de la petite enfance à l'adolescence d'Uncle....



En mai, fait ce qu'il te plait...

Je ne sais si ce jour là, vers 12h, mon premier vagissement fut couvert par les slogans des manifestants qui défilaient dans la "cité des Abbesses" (ref.2) lieu de la plus proche maternité. Nous étions le 1er mai 1948, Uncle Pit attaquait la Vie ...
Une semaine plus tard ma mère et moi, rentrions au n°21, quartier "des champions", dans une « baraque » (ref.3) car la Bresse était en pleine reconstruction.


1948, 1949, 1950, 1951, 1952...1959

Les neuf premières années de ma vie passèrent sans laisser de souvenirs marquants dans ma mémoire, j'ai parfois quelques "flashs", quand je me concentre pour me remémorrer un petit quelque chose mais parler de "souvenirs" serait exagéré. N'ayant pas assez de mots pour faire "revivre" ma petite enfance, je vais vous la faire façon "album photos" avec ce que ma mère m'a laissée.

la lecture des légendes sera plus aisée si vous cliquez sur la(es) photo(s) !!!

Ce que ne traduisent pas ces photos, c'est la cruelle réalité de mes jeunes années. Derrière ces sourires, ces boucles blondes se cache, de manière inconsciente une grande frustration car je ne suis pas comme les copains de mon âge : je suis asthmatique...
Aujourd'hui cela fait sourire lorsqu'on parle de maladie à propos de l'asthme, mais nous sommes en 1948 et le moindre effort physique se traduit par un essoufflement, des difficultés respiratoires sans noms, des nuits sans sommeil, assis dans un lit, deux oreillers derrière le dos car la position couchée est invivable... ce qui explique certainement mon dos voûté !
La fumigation "à l'eucalyptus", étant le seul moyen dont la médecine disposait à l'époque pour lutter contre l'asthme, je revois Georges là, à côté de moi, il fume une de ces cigarettes "Louis Legras" (ref.4) et j'aspire avidement la fumée qu'il exhale pour me soulager.
Il faut tout l'amour d'un père, fumeur invétéré pour surmonter cette épreuve... qui va se répéter tant de fois jusqu'en octobre 1958.
Aparté : Si vous avez la curiosité d'approfondir vos connaissances sur ces cigarettes, vous comprendrez pourquoi je parle "d'errances" à propos de mes récits !!!

Contraint de limiter mon activité au minimum, lorsque j'en eus l'âge, je me suis réfugié dans la lecture, le dessin, bref des activités qui ne demandent pas d'efforts physiques .

Eté 1952, premier "repère" dans ma jeune existence,

Renée décide de faire couper ces "anglaises" qu'elle aime tant car en octobre je vais rentrer en maternelle...Je ne garde que le souvenir photographique de ce changement mais par contre, des scènes et des noms restent gravées dans ma mémoire: ce sont mes premiers vrais souvenirs!
Une moto s'arrête devant les baraquements dédiés à "l'école laïque", le motard la cale sur sa béquille. D'une démarche assurée, tout en otant son harnachement il se dirige vers la porte de la maternelle... Il ôte casque et lunettes , surprise, c'est une jeune femme certe masculine mais avec un grand sourire qui maintenant, rassemble sa marmaille... Elle s'appelle Melle CHAGUE (ref.5)(je ne connaitrai jamais son prénom) c'est ma première maîtresse.
Son ombre, c'est Madame TOUSSAINT, une assistante maternelle toute en douceur et en rondeurs d'où le surnom révélateur que je lui avait donné : Madame "coussins", elle veille avec la vigilance et la tendresse d'une mère poule sur les plus petits, Melle Chagué se réserve ceux de "mat'sup"...

Octobre 54, nouvelle étape,

On attaque le primaire! C'est Madame PERRIN-CARREGA qui va réussir à me faire aimer l'école et déclencher en moi le désir de "faire mes humanités"... Cette tâche ingrate (inculquer à des béotiens la soif d'apprendre) sera poursuivie par Michel ELHINGER en CE1 et CE2 puis en CM1 en 1957. Pour moi, il n'y aura pas de rentrée scolaire en octobre 1958 en CM2 à la Bresse, je pars au "Château de Malbosc" faire soigner mon asthme.
Ces années de primaire ne furent pas brillantes au niveau des résultats, ma maladie perturbant fortement ma scolarité. L'odeur de l'encre, que l'on fabriquait dans une bouteille et qui ensuite était versée dans les encriers de nos pupitre doubles, celle du bois que l'on ramenait de la maison pour alimenter le poële qui trônait au milieu de la salle de classe sont toujours présentes... Et puis il y avait ce regoupement autour de ce même poêle sur lequel nous faisions chauffer les morceaux de granit qui nous servaient de bouillotes pour réchauffer nos pieds trempés et gelés car nos chaussures en carton bouilli n'étaient pas faites pour affronter le froid et la neige des hivers des années 50. Cela peu paraître dur, et pourtant je suis sûr que nous étions heureux.

Octobre 1958 - Juillet 1959 : le tournant.

"9 mois fermes" pour certains, le temps d'une bonne gestation diraient d'autres... Pour moi, une rupture.
Cet asthme est un véritable handicap... Ma mère a décidé de prendre le taureau par les cornes : je vais aller en cure à la BOURBOULLE, le saint des saints en ce qui concerne cette maladie. Las, c'est complet... Notre médecin de famille le Dr FELDMANN propose alors à ma mère de tenter un pari audacieux : pourquoi ne pas essayer un traitement révolutionnaire : la désensibilisation ?
Seulement voilà, il y a un hic, le seul endroit où l'on pratique ce traitement c'est au "Château de Malbosc" près de Grasse pour un séjour minimum de trois mois. Je crois que la discussion fut âpre, entre Georges et Renée et la décision d'une séparation difficile à prendre, puis le verdict tomba , sans consultation du principal intéressé, à savoir moi. Il fut décidé que j'irai suivre cette cure!
La préparation et le marquage de mon "trousseau" (le "paquetage c'est pour l'époque 2" !) occupèrent ma mère une grande partie de l'été 1958.
De l'épopée que fut notre voyage à Renée et à moi je ne garde que la durée du trajet: plus de 24h pour faire la BRESSE-GRASSE !
Quand je parle d'épopée, je ne mens pas : ma mère était chargée comme un mulet (3 mois de vêtements dans une seule valise plus un sac "pour le voyage" et le poids mort que j'étais!) le tout à transbahuter à chaque changement de moyen de transport et dieu sait s'ils furent nombreux : le "car" de La Bresse à Cornimont, la "Micheline" De Cornimont à Epinal, puis le train avec changements à Culmont - Chalindrey, et Marseille terminus CANNES. Pour terminer un trajet en autocar entre Cannes et Grasse au cours duquel j'eu "le mal de mer" ! La totale.
Une voiture de l'Institution nous mena au Chateau.
Le trou noir... Je ne sais comment nous nous sommes quitté ma mère et moi ni dans quelles conditions elle a voyagé au retour.
J'étais là pour trois mois, tu parles j'en ai tiré 9 exactements ...
C'est dur, quand on a dix ans de passer des jupes de sa mère au pensionnat !!! Tout est réglé, minuté : le lever , le petit déjeuner, les soins, la classe, le repas du midi, la sieste, la classe, le 4 heures, le repas du soir, le coucher et on recommence... durant des jours, des semaines, des mois.
Nous n'étions pas malheureux, loin de là, ce n'était pas un orphelinat, ni même un hopital, c'était une "maison de repos". Notre "maitre d'Ecole" (M. MATTHIEU je crois), avait des parents à la BRESSE !!! Il dispensait ses cours dans l'unique salle de classe de l'établissement; c'est là que je fis mon CM2. C'est aussi durant cette période qu'est né mon aversion pour le fenouil dans la cuisine !!
Une fois la séparation digérée, j'ai découvert les "plaisirs" de la vie en communeauté, j'ai appris la débrouillardise et çà, c'est quelque chose qui n'a pas de prix.
Lorsque mon père vint me rechercher, un beau jour de juillet 1959 j'étais un autre physiquement, cela Georges l'a perçu, mais ni lui ni personne d'autre n'ont vu le changement qu s'était opéré dans ma tête. C'est un adolescent "tout neuf" et surtout GUERI, qui rentre à La Bresse !!!

1959-1966 : une adolescence heureuse, mais tumultueuse !!!

1959 - 1962, je revisite "la guerre des boutons"!!!

Tous et toutes ceux (celles ) qui, comme moi, ont eu la chance de vivre leur pré-adolescence " à la campagne" ont revecus dans le film cité plus tôt mais aussi chez des écrivains moins connus, Pierre PELOT par exemple, ce qui fit leur vie d'alors!!!
Cabanes dans les arbres, course "aux armements" (ref.6) rivalités de clochers, plus exactement de "quartier" embuscades, vêtements déchirés etc, etc,
Fessées, sermons paternel et maternel, punitions divers ("au lit sans souper"!!! était la plus fréquente) tels fut mon lot quasi quotidien lorsque je n'étais pas en classe.
Mais, vivre ses vacances de cette façon, c'est le pied et quel pied ! Enfin, je peux courrir, jouer, me battre avoir ma place parmi les autres gamins et essayer d'être toujours le meilleur, le meneur surtout pour les âneries...
Je pense avoir atteint le summum lors de l'escalade, à main nues, sans "assurance" du mur de soutènement de la route "de Planois", un "à pic" de plus de 30 m au lieu dit "la roche du Chastelat". Notre ascension était observée à notre insu à la jumelle, depuis la caserne de gendarmerie située en contre-bas : lorsque nous sommes arrivé au sommet, sans anicroches, notre première vision fut un gros plan sur les "grolles" de deux pandores qui nous embarquèrent , manu militari dans leur "jeep" pour nous ramener à la caserne où ma mère m'attendait déjà : notre maison était voisine de la "maison poulagat".!!! Faut l'faire, je l'ai fait !!!

Je regarde "les fondeurs" qui disputent le "Challenge DEYBACH" sur la piste tracée au "Planot-Paris" un lieu dit, je n'entends ni les cris du publique, ni leurs souffles bruyants...
"PIT ! répète ce que je viens de dire" :rattrapé par la réalité je sursaute à l'interpellation du prof. et me retrouve instantanément assis devant mon pupitre d'écolier au CEG "des Boudières" un groupe scolaire flambant neuf.. Les punitions tombent, malgré cela, je réitérerai cette évasion, sans cesse interrompue, chaque hiver durant les 4 ans que je vais passer dans les salles de cours derrière ces grandes fenêtres attirant mon regard pour permettre à mon esprit rêveur d'errer en liberté...
"Bien, mais je déplore qu'Uncle soit porté à manifester un mauvais esprit en certaines occasions." Cette appréciation vengeresse de ma prof de Français en cinquiéme, fit suite au fait que j'ai osé faire remarquer avec insistance à "l'autorité", qui prétendait que "décupler" était synonyme de "diviser" ou "diminuer", qu'elle se trompait !!!
Cette remarque acerbe ne fit qu'accroître ma conviction que le pouvoir, sous quelque forme qu'il soit n'aime pas la contradiction et sait vous le rappeller.
A l'époque cette anecdote ne fut que peu appréciée par Georges et Renée, moi je m'en délecte encore aujourd'hui!
Ainsi s'écoulèrent ces années qui, avec un regard dans le rétro dessinaient déjà fort bien ma personnalité : esprit frondeur et indépendant, épris de rêveries et de vagabondages, amoureux de dessin et de littérature, dilettante dans tous les cas refusant toute forme de "Cartésianisme" incarné par les mathématiques et les sciences (physiques ou naturelles). Ces dernières furent cependant source d'inspiration : "le professeur : l'albumine coagule à 36°C. Uncle : Quelle est la t° du corps de la poule ? le professeur : 38° je crois ... Uncle: alors pourquoi les poules ne pondent-elles pas des oeufs durs???" Eclat de rire général de la classe "PIT, dehors!" éructe le professeur ebahi préservant ainsi son aura écornée par l'hurluberlu que je suis...
Un miracle n'arrivant jamais seul, j'obtins le 5 juillet 1963 mon BEPC après avoir été admis, fin juin en classe de seconde M' Du Lycée d'Etat mixte de Gérardmer.

1963 - 1965 : les errances d'un pensionnaire !!!

L'internat, ça me connait : rappelez-vous, 9 mois fermes en 1958 - 1959 au chateau de Malbosc !!! Juste un contexte différent.
Je ne vous raconterai pas "le petit chose" non, ici c'est plutot cool: un lycée tout neuf, mixte ! (enfin avec des limites : les dortoirs des filles n'étant pas séparés de ceux des garçons par une simple porte mais situés dans des bâtiments distincts et distants d'une bonne centaine de mètres de terrain découvert.
L'année scolaire 1963-1964, celle de ma seconde fut très "routinière"... je prenais mes marques. Le jeudi après-midi, sauf l'hiver, était réservé à la promenade qui comme par hasard nous menait hors de la ville où, toujours par hasard nous rencontrions, plus exactement nos surveillants, rencontraient la cohorte féminine des pensionnaires de l'Ecole hotelière qui elle aussi par le plus pur des hasards se rendait au même endroit que nous....
Mon année de première fut elle plus vivante; oubliée la ballade du jeudi, j'avais découvert les joies du sport... membre de l'équipe d'athlétisme, j'excellait dans le demi fond (1000 m) ce qui me permettaitd'aller au stade certains soir de la semaine le jeudi étant lui réservé aux compétitions... C'est la que ca se corse...Ils étaient sympas nos voyages en bus jusqu'à Remiremont, puis Nancy pour les championnats d'acadèmie...Chansons paillardes , quelques flirts aussi dans l'ombre complice des sièges "du fond" dans le car...
Le vrai problème d'un interne de 15 ans, c'est d'être coupé du monde, pas de radio, pas de journaux , heureusement nous avions Ribouldingue et Filochard tels était les surnoms dont nous avions affublé nos deux pions principaux, un grand blond, balèze cheveux coupés ras, en brosse voix grave et un petit brun cheveux en bataille, gouailleur genre titi parisien. Ils "m'avaient à la bonne" si bien que j'avais souvent des informations privilègiées (c'est par eux quasiment en direct que j'appris l'assassinat de J.F. KENNEDY le 22 novembre 1963), J'allais même fumer dans leur chambre (un capharnaum sans nom!) et cool avec ça car ils n'ignoraient rien de notre "tripot" clandestin situé dans le vestiaire ni même de nos expéditions nocturnes vers la partie féminine du lycée et il n'ont jamais "cafté" !
"Pris, pris" un diable vociférant venais de jaillir de la rangée de porte-manteaux dans laquelle il s'était caché prenant ainsi en flagrant délit de bavardage un élève qui venait de rejoindre les rangs à l'appel de la cloche qui rythme nos journées... Cet énergumène, c'est "Josion", surnom venu de je ne sais où, le Surveillant Général (le surgé en idiome estudiantin) traqueur invétéré des bavardages , obsédé de "la cigarette clandestine" qui n'hésitait pas à prélever quelques individus"suspects" dans les rangs pour leur demander de lui "souffler" dans la figure afin de détecter dans leurs haleines d'éventuelles effluves de tabac...
C'est jour de la remise des prix une splendide journée de juin s'annonce, tous les élèves sont regroupé par classe sur le "plateau de sport" ils font face à une estrade elle même dominée par une grande sculpure, deux mains soutiennent un globe terrestre duquel coule un filet d'eau qui s'épanche dans un vaste bassin...
Plus la foule grossi, plus l'hilarité grandit elle atteint son comble lorsque le "staff" de l'établissement rejoignant l'estrade découvre avec stupeur que la "claire fontaine" est une mare d'un joli vert fluorescent alimentée par une eau de même couleur qui rutille au soleil... Après un instant de flottement, c'est la reprise en main des troupes et la cérémonie se déroule sans autre incident...
Sur ce coup là, "Josion" a du boulot...Qui, de nuit, a mis de la fluorescéïne dans le réservoir qui alimente la fontaine? Celui-ci étant à l'intérieur de l'enceinte de l'Etablissement les soupçons se portent naturellement sur les internes et de préférence les plus agés, mais ils doivent avoir des complices : qui leur a fourni ce colorant ?
L'enquête de notre surgé n'aboutira jamais. Bien qu'il y ait prescription, je tairai le nom des trois personnes qui avec moi se sont bien amusées une nuit de juin 1965...
Septembre 1965, ce n'est pas encore l'automne et je rentre en terminale "philo"...
D'entrée, les cours se présentent mal: nous n'aurons pas de prof de philosophie (elle est en arrêt maternité) jusqu'en novembre. Elle ne sera pas remplacée durant cette période..
Le peu de temps durant lequel j'ai assisté à ses cours m'a permis de me rendre compte que jamais je ne serai un philosophe !!!
Les matières scientifiques elles non plus ne sont pas faites pour moi, il y a longtemps que je "sèche" les cours de maths et que je désespère mes maîtres de Physique, Chimie et Sciences Naturelles. Seuls, l'Histoire, la Géo, le Dessin et le Français scucitent chez moi un grand intérêt. La langue allemande ne m'attirait pas plus que ça jusqu'au jour où, fatale erreur, une "lectrice" (ref.7) fut adjointe aux profs d'Allemand du Lycée...

1966 :le Mur et la Chute!!!

En cette année de terminale, je dévore Sartre et Camus !!! Mais je suis reconnaissant à ma prof d'Histoire-Geo, madame M., de me suggérer la lecture d'un roman qui, me dit -elle, devrait me passionner... Elle venait de me donner la clé de l'univers dont j'étais à la recherche: le monde de Boris VIAN...
La vie d'un pensionnaire de 17 ans ne se réduit pas aux cours magistraux, aux études , aux permanences, à la lecture intensive, au spleen romantique, ce qui préoccupe ce futur mâle en gestation c'est la compagnie féminine dans un but qui n'a, bien entedu, plus rien de platonique.
Vous comprenez que, dans ce contexte, l'irruption d'Ursula, la lectrice, un peu plus agée que nous, ravissante, fit l'effet d'une bombe!!! Qui allait réussir la la draguer ?
Je crois vous avoir dit que je suis un compétiteur né, donc relevons le défi ! Etant plutôt "faible" en Allemand, il est évident que je dois progresser en vue du bac, hypocrite avec ça, donc dans la mesure ou nous avons "sous la main" une personne venue spécialement pour pallier nos lacunes, je suis prêt à faire des heures supplémentaires...
Mon plan fonctionne, Ursula sort avec moi, nous nous voyons le week-end, c'est elle qui me ramène, discrètement, à la maison avec sa VW jaune...Elle qui nous véhicule de boîtes en boîtes et dans les bals populaires de nos hautes vallées et en Alsace toute proche.
Tout serait parfait dans le meilleur des mondes si "les pions" n'existaient pas !
Mes camarades de classe se sont vite résignés à leur défaite, mais ils n'en va pas de même avec nos surveillants d'internat et d'externat qui voient d'un fort mauvais oeil une jolie nana de leur âge accorder ses faveurs à un "élève" fut-il en terminal !
Ils ont un gros avantage sur moi, ils sont libres de leurs mouvements. Alors, tenaillé par la jalousie , mais surtout pour leur démontrer que je ne me laisserai pas faire, je vais les défier sur leur propre terrain : je donne rendez-vous à ma belle dans leur bistrot favori deux à trois fois par semaine, le soir vers 23 heures... Je fais le mur!
Je ne saurai jamais, si l'un d'eux ma dénoncé ou si j'ai fait preuve de malchance, toujours est-il qu'un soir alors que je franchissais paisiblement les portes du dortoir J'entends le terrible "Pris, pris"...le censeur est là devant moi "où allez vous comme çà, à cette heure ?" "je vais prendre l'air et boire un verre, Monsieur le Surveillant Général" Je ne sait s'il est rouge de colère ou vert de rage, il fait nuit. Il éructe "renvoyé, vous êtes renvoyé" - "c'est bien" lui dis-je en poursuivant ma route. Il reste interdit je m'éloigne. Au café je raconte mon aventure aux pions présents et à Ursula, effondrée, lorsque la porte s'ouvre sur Josion qui m'attrape par le colbac et qui sans un mot me sort de l'établissement et me jette dans sa voiture.
Le surveillant du dortoir se prend une avoinée sévère, je me couche.
"PIT, bureau du proviseur de suite", c'est par ces mots que le lendemain matin se déclenche, la partie "administrative" de ma folle équipée, celle de ma chute.
Je n'ai aucun souvenir de la chronologie des faits qui suivirent.
La réunion du conseil de discipline fut loin d'être une formalité pour l'Administration. Les professeurs jugeant le renvoi excessif proposèrent une solution alternatve : je ne quitterai l'internat que lors des vacances scolaires, fini les sorties de fin de semaine... Je les remercie pour leur offre généreuse mais, déjà têtu comme un bourrique et révolté contre tout ce qui était autorité, je leur dit que je plaque tout et que je rentre chez moi.
C'est la fin du second trimestre , ma vie scolaire s'arrête ici. Sur mon livret scolaire juste une phrase laconique : "absent au troisième timestre".
Qui me ramena à la maison ave "armes et bagages"?, quand, comment, par qui mes parents furent-ils prévenus? Autant de questions qui resteront à tout jamais sans réponses
Georges pleure, il m'adresse juste un regard vide puis me tourne le dos. Il ne m'adressera la parole qu'après plusieur mois de silence lorsque je lui annoncerai mon départ pour Hourtin après avoir signé un engagement de 5 ans dans la Marine Nationale.
La réaction de Renée est elle plus pragmatique : elle me foudroie du regard , et m'annonce que je vais terminer mon année scolaire chez Cris et Nicky à quelque soixante kilomètres de La Bresse, où ils étaient tous deux enseignants. Je ne vais pas rester à la maison oisif et elle ne souhaite pas , à cause de mon imbécilité, dit-elle, subir l'opprobre de la société bien pensante de notre petit bourg où elle est connue et appréciée de tous.

C'est un printemps merveilleux avec un goût de liberté que je vis en ce moment !!!Les étreintes de la fille du notaire me font oublier Ursula. Seul durant des heures quand Cris et Nicky, dispensent leur savoir, je recopie les cours que m'envoient mes ex camarades de classe et essaie, sans grande conviction, de rendre les devoirs que les profs corrigent comme si j'étais présent!
L'echéance arrive, mais je ne me souviens de rien ni de la date, ni du lieu je n'ai qu'une certitude: jamais je ne serai bachelier... Pourtant le bacchalauréat 1966 est doublement historique :
- il a connu deux sessions et a donné lieu à la délivrance d'un certificat de fin d'études secondaires pour les ajournés(note moyenne : 8/20). je ne l'ai même pas !!!
- il a vu son taux de réussite chuter sous la barre des 50% alors que depuis 1950 ce taux ne cessait de croître et reprendra cette orientation dès l'année suivante. Rassurez- moi, je ne suis quand même pas le seul responsable de ce double phénomène ???
Juillet, aout, septembre, les mois passent, la "normalité" est revenue je suis rentré à la Bresse mais, ces vacances scolaires sont moroses, mes copains d'avant travaillent tous maintenant , le temps des cabanes dans les arbres est révolu.
je ne redoublerai pas car j'étais boursier et suite à mon coup d'éclat et à mon echec au bachot, je dis adieu aux études, mes parents ne peuvent me payer ce luxe...
Ces quelques temps d'errances, ma présence oisive qui de plus en plus irrite Georges, la question chaque matin renouvellée de Renée "et maintenant que vas tu faire ?", me poussent à agir.
Il me faut de l'air de l'espace je ne peux rester ici. C'est décidé, ma décision est prise: je signe un contrat pour cinq année avec la Royale !!!
Un grand soulagement pour mes parents, une nouvelle vie pour moi.


Note de l'auteur

Que reste-t-il de ces années ?

Aujourd'hui encore, lorsque je me remémore ces instants de ma vie je n'éprouve aucun regret !!! je dirais même qu'un certain plaisir m'envahi!.
Parfois, lorsque ma réflexion se prolonge, un léger soupçon de remords m'effleure, je me reproche, à peine, de ne pas avoir été à la hauteur des espérances que Georges et Renée avaient placées en moi pour cette première partie de ma vie.
Cela s'estompe très très vite au regard du chemin parcouru depuis ce temps ! Mes parents sont partis satisfait, je pense, de voir que leurs efforts (je ne supporte pas le terme de "sacrifices", trop galvaudé), ont portés leurs fruits : l'adulte que je suis est l'Uncle dont ils rêvaient, celui qu'ils ont façonné leur vie durant.
Et puis, il y a un petit carnet que j'ai retrouvé, presque par hasard, qui à lui seul résume les "états d'âme" d'Uncle adolescent.