Premier Embarquement
Porte-Hélicoptères "JEANNE D'ARC" - R97


jeanne 2

fini les coulisses,l'artiste entre en scène !!!

Au pied du "Graal" !



Catégorie voyage Il est 7h30, calé dans la banquette arrière du taxi hèlé quelques instants plutôt en gare de Brest, le bout du monde , j'achève la nuit commencée dans le train. Perdu dans mes rêves, je regarde sans voir les rues qui défilent. L'arret de mon véhicule met fin à ma demi somnolence. Il s'immobilise, le long du trottoir,porte CAFFARELLI, l'accès principal à l'arsenal de BREST (1), suite à l'injonction d’un cerbère en faction.
Mon sang se glace un court instant quand je me rends compte que j'ai en face de moi, pour la première fois, le pire ennemi du marin, son prédateur quasi exclusif: le flic maritime (2) !!!
- permission, affectation, feuille de route aboie le chien de garde aussi aimable qu'une porte de prison!
Perturbé par cette attaque directe et me remémorant l'ouï-dire que j'avais concernant cette engeance, je m'exécute malgré tout avec célérité. Mes papiers étant en règle et ma tenue impeccable, le taxi est autorisé à poursuivre sa course...Il navigue avec l'assurance des "anciens " dans les méandres de l'arsenal et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je suis rendu...En cale sèche : la Jeanne est en petit carénage(0) elle regagnera le "quai d’Armement", son poste d'amarrage lorsqu’elle est à "Brest même", le 15 septembre.
Bien qu’étreint par l’émotion, je ne m'attarde pas au pied de la coupée(3) et sac sur l'épaule, valise à la main je gravis d'un pas martial les marches de la passerelle. Arrivé sur le bord, je laisse tomber sac et valise, je me tourne vers l’arrière et j’effectue le salut militaire. Il ne fallait pas commencer sur une fausse note, j’ai préféré assurer car ayant les mains prises j’aurai pu me contenter une fois tourné vers l’arrière de hausser le menton dans un mouvement que chez les anciens on appelle le "coup de bouc". Ce rituel(4) effectué, le factionnaire ayant tout de suite deviné que j’étais un nouvel embarqué, (pas difficile à voir, avec le ruban "école des détecteurs" sur le bachi (5)) me dit :
- Dégage la coupée, mets-toi là j’appelle un planton qui va t’amener au B.S.I.(6)



La rencontre du puceau et de la Pucelle !

Après avoir parcouru quelques dizaine de mètres sur le passavant(7) collé aux basques de mon guide, pour la seconde fois(8) de ma jeune existence, je pénètre dans un bateau de guerre !
C’est étroit, ça pue, c’est bruyant telles sont mes premières impressions mais ce constat n’altère en rien mon plaisir d’être là.
Arrivés à destination, un local ma fois assez exigu, mais pas plus que ceux que je découvrirai plus tard, je me présente à l’O.M. de service : -Attends là deux minutes le temps de prévenir le secrétaire de ton service…
Je reste coï et dubitatif, secrétaire, service des mots qui n’ont pas vraiment de sens pour moi en cet instant précis, Un coup de fil passé, il me dit il arrive et me laisse pantois pour retourner à ses occupations…
Plus tard, j’ai compris que le B.S.I., est au navire quai ce qu’est l’Accueil à l'entreprise, à l'hôtel etc : c’est LE centre névralgique, le lieu de passage obligé et incontournable de tout arrivant.
Je suis mon mentor sans me laisser décrocher car j'entre dans un monde inconnu dont les règles et les codes m'ont été donnés lors de mon "apprentissage" : ces cours théoriques qui me paraissaient alors rébarbatifs vont être mon quotidien !
En un quart de seconde je me remémore la base de tout déplacement sur un bateau :l'utilisation du code de compartimentage et de son associé, "l'arlequin"(9) apposé sur chaque porte et panneau étanches...
et voilà comment je réussi à localiser le poste des détecteurs(10) en B 0224 à babord avant !

A bord le début d'une vie de marin; pas encore celle dont je rêvais!

Mon quotidien, a quai, au sein du clan des détecteurs

Appareillage dans exactement trois mois et quinze jours, l'instant auquel j'ai tant rêvé se profile enfin dans mon l'horizon habituellement aussi bouché que celui de Brest un jour où il pleut ou tel autre où il va pleuvoir ! Sachez que dans les deux cas, du bord on ne voit pas le pont de Plougastel la référence en matière de visibilité pour tout marin qui se respecte!!!
Durant ces trois mois la vieiile dame va ressembler à une fourmillière, mon quotidien sera celui d'un ouvrier de l'Arsenal, corvées et quarts en plus !!!
cliquer visualiser la "journée type" du marin sur un navire à quai. A 6 heures pétantes, c'est le branlebas: ici ce n'est pas celui du début de mon incorporation, lorsqu'il ce n'est pas le stress qui m'étreint je sais juste qu'il est temps de quitter ma banette pour intégrer la file des zombies en marche vers la cafèt'.
L'épisode du p'tit dej' est bref juste le temps d'ingurgiter un "chocolat chaud", pas jouissif mais de loin préférable à l'infâme lavasse délivrée par le percolateur, et d'avaler deux ou trois tartines de pain frais beurrées. Je suis maintenant réveillé, presqu'opérationnel ! On fait le lit "au carré" puis c'est le passage au local "douches et lavabos" qui soldera cette phase initiale de la journée.
La sonnerie "aux postes de lavage" trouve un Uncle en pleine forme qui se dirige, avec deux ou trois collègues, vers le passavant tribord lieu de notre rituel matinal à terre comme en mer! Cette remise en forme n'est pas bien pénible, il faut astiquer vigoureusement les embouts en cuivre des lances a incendie lovées sur des tourets qu'il faut graisser, traquer la "pointe de rouille" qui perce souvent aux niveaux des soudures sur les chemins de cables et passer l'inévitable serpillère...
Je rapelle à ceux ou celles qui auraient omis de consulter les notes de bas de page que le passavant est une coursive extérieure donc balayée par les embruns salés ce qui justifie l'entretien quotidien des cuivres, la recherche et le traitement de la rouille mais qui a mon humble avis compte tenu de sa situation extérieure m'a pas besoin d'un nettoyage de sol quotidien ...Mais, l'réglement, c'est le réglement...
Puisque vous êtes maintenant familiarisé avec la routine du marin "à terre" vous avez deviné ce qui suit le poste de propreté? Après l'intermède de la cérémonie des couleurs (8h locale très exactement), appel du personnel dans le "Bureau DET" pour les affectations au "poste d'entretien", dit aussi "poste de maintenance". Pour nous détecteurs c'est l'entretien, la maintenance la mise en oeuvre du C.O. (central opérationnel), des locaux techniques attenants et des aériens (les antennes), bref, la routine...
"Uncle!"
- Présent! -
"peinture du "Tacan" et des supports d'antennes"....
-Bien chef (11)!
Je quitte "le bureau Det" sourire aux lèvres : il fait beau et je vais passer ma journée dans la mature, le pied...
J'adore ce "boulot" à quarantes mètres au dessus du pont, là, marteau à "piquer la rouille" (version manuelle car il n'est pas possible d'utiliser l'outil pneumatique) ou une moque(12) de peinture en main, je suis dans mon élément.
Un peu de "cinema" losque passe un groupe de touristes qui visitent l'arsenal et s'arrêtent un instant, nez en l'air, pour apprécier "la témérité" de votre serviteur perché dans les vergues de "la Jeanne "
- "Elle va appareiller en novembre pour son tour du monde annuel dont le but est de donner une "formation pratique" aux élèves officiers de l'école Navale" précise le guide qui chaperonne ces béotiens ébahis...
Du haut de mon perchoir, je domine la situation, mais surtout, je suis tranquille, pas de chefs, pas de patrons, j'ai une paix royale !!!Ma seule préoccupation, éviter la bavure : il faut manier le pinceau avec doigté et délicatesse pour éviter le trop plein de peinture. Une goutte qui se détache et qui va s'écraser des dizaines de mètres plus bas, çà laisse des traces ... et, un malheur n'arrivant jamais seul il est quasi certain que l'impact aura lieu très précisement sur une "casquette" en inspection... Après les "rationnaires" ou le déjeuner, retour au poste d'entretien, à 17 heures c'est le dégagé: fin d'une journée ordinaire...deux possibilités s'offrent alors à moi: soit je suis " permissionnaire" et j'engage une course contre la montre pour etre paré pour les permissionnaires de 17h15 et je vais passer une soirée et une partie de ma nuit "à terre" , à Recouvrance(13) ou à Saint-Marc(14)... soit je suis de service et je reste à bord pour effectuer un quart à la coupée ou jouer les"rondiers"(15) et éventuellement assumer une corvée imprévue, mais toujours urgente !!!
C'est bien connu :"l'oisiveté est mère de tout les vices ...."

15 juin - 15 septembre : Petit carénage

Durant cette période, dire que le bord était une fourmilière serait exagérer, mais durant les deux mois en cale sèche, je peux vous affirmer qu'il y avait autant d'ouviers de l'arsenal que de marins à bord !!!
Mon apprentissage de marin se poursuit encore avec cet événement incontournable pour un navire car c'est le seul moyen de d'inspecter, nettoyer réparer et repeindre les "oeuvres vives"(16). J'allais découvrir, lors de cet embarquement la place privilègiée qu'occupe la peinture (non pas sous son aspect artistique !) dans le quotidien du marin et vérifier à mes dépens que dans la marine "on salue tout ce qui bouge et on peint le reste"!!!

J-45, les dernières mises au point.

Le 16 septembre, l'exitation gagne le bord, le carénage est terminé, la Jeanne va flotter à nouveau!
Qu'il est long le temps qu'il faut pour remettre en eau la cale , et le nombre de manoevresà effectuer pour que tout se passe correctement, c'est bien simple je vais passer toute ma journée sur la plage avant au "poste de manoeuvre(17) " qui m'est effecté.
Ce sont les remorqueurs qui vont nous amener "au quai d'Armement" poste d'amarrage attribué à la Jeanne lorsqu'elles est à Brest. Encore quelques jours de préparatifs et ce sera, enfin les sorties en mer pour peaufiner les réglages du matériel et s'amariner(18)pour une grande partie de l'équipage fraichement embarqué!
Nous sommes à un mois et demi de l'appareillage pour une quatrième campagne, une grade première pour moi Uncle...
Je ne vois pas passer ce mois d'Octobre 1967, tant mes journées sont remplies soit à la mer, ou comme ces derniers jours accaparés par les corvées d'avitaillement(19).


Mais avant l'appareillage, je tiens à vous présenter mon nouveau "cadre de vie" !!!!

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